Il arriva dans le grand hall de l’hôpital de Paris. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas visité cette ville, ce qui expliquait qu'il se soit légèrement perdu, mais il avait fini par demander son chemin, avec un Français très accentué Japonais, mais il avait réussi. Il avait trouvé sa route et, un peu essoufflé, il se précipita vers l'accueil.
« Bonjour, Minegishi Hiro, je voudrais voir le docteur en charge de Minegishi Johana s'il vous plait. »
La jeune demoiselle le regarda avant de lui sourire et d’acquiescer gentiment. Elle décrocha son téléphone et expliqua quelques phrases à son interlocuteur avant de raccrocher.
« Il va vous recevoir, veuillez attendre ici. »
Il ne lui fallut pas trop de temps à attendre avant d'entendre son nom, résonnant dans le hall. Un homme qui devait avoir plus de la soixantaine le regarda en souriant et lui fit signe de le suivre. Il lui expliqua un peu l'accident, un chauffard avait grillé une suite de stop sans causer de soucis jusqu'à ce qu'il rentre en collision avec la voiture de Laura, causant sa mort, tant sa vitesse était au dessus de la normale. La voiture avait fait plusieurs tonneaux, s'écrasant en contre bas d'une plaine. Certains passants s'étaient arrêtés, stupéfaits de voir un tel accidents, et d'autres s'étaient précipités pour sortir les deux occupants du véhicule. Il lui expliqua que Laura était décédée peu de temps avant que les ambulances n'arrivent et que sa fille avait perdu connaissance durant plusieurs heures. La voiture du chauffard avait pris feu, et avait explosée seulement quelques secondes plus tard, ce qui avait donné l'impossibilité de le sortir à temps. Johana était donc la seule survivante.
« Écoutez, il y a un détail que l'on ne vous a pas dit au téléphone.. Johana.. Est désormais en fauteuil. »
« Quoi? Vous voulez dire, elle ne peut plus marcher? »
« Il y a des chances.. Mais il se peut qu'un miracle arrive, si elle fait beaucoup de rééducation, elle pourra retrouver l'usage de ses jambes. »
Hiro déglutit, la pauvre enfant devait être complètement anéantie, et la révélation d'un père jusque là inconnu n'arrangerait sûrement pas les choses. Mais il voulait l'aider, à remarcher, il voulait qu'elle retrouve une vie normale. Ils pénétrèrent dans une chambre, silencieuse et calme, et ses yeux se posèrent sur ce petit visage rond, et ses yeux chocolats qui le fixaient.
« Je vous laisse. »
Le médecin sortit de la pièce les laissant seuls, l'un face à l'autre.
* * *
Johana ne pouvait s'empêcher de regarder par la fenêtre, le vent soufflait fort, si bien que les branches du grand saule devant sa chambre, venaient griffer la vitre. Elle repensait à ces quelques jours, passés dans un lit d’hôpital, à avaler un peu trop de médicaments à son goût, mais qui étaient bien utiles pour calmer la douleur de ses plaies. Elle regarda les deux gros plâtres qui encerclaient ses jambes, aussi lourds et encombrants. Les médecins lui avaient dit que durant l'accident, ses os avaient tous étés brisés, ce qui allait laisser pas mal de séquelles, et qui ne la ferait sans doute plus jamais marcher. Elle aurait préféré mourir avec sa mère, que de rester sur terre sans elle, et avec cet affreux fauteuil roulant, qui ne faisait que lui rappelait qu'elle avait survécu. La porte s'ouvrit sur son médecin, qui lui fit un vague sourire avant de finalement laisser rentrer un homme, assez jeune, sans doute la quarantaine. Il était étranger, un asiatique, et aux traits de son visage, elle en devina qu'il était Japonais. Il la salua et se rapprocha doucement d'elle. Elle ne parla pas, se contentant de le regarder de ses deux yeux chocolatés. Il avait un visage plutôt familier, mais elle ne l'avait jamais vu jusque là.
« Bonjour Johana... Je m'appelle Hiro. Je peux? »
Il lui montra le lit comme pour lui demander l'autorisation de s'assoir. Elle aquiesca et e regarda s'installer. Il regarda durant un court instant ses jambes, bloquées par ses immondes plâtres qu'elle détestait déjà. C'était un fait, et ça choquait pas mal de mondes.
« Tu ne me connais sans doute pas. Je connaissais ta maman, c'était une femme formidable, un grand coeur, et une joie de vivre éclatante. »
Il est vrai qu'il la connaissait, car si Johana devait employer quelques mots pour la décrire, voilà ceux qu'elle aurait sans doute utilisés. Il parlait bien Français, mais ça s'entendait à son accent, qu'il n'était pas vraiment d'ici.
« La vérité.. Il y a dix-neuf ans... »
Il avait les larmes aux yeux, et Johana sentait les siennes qui faisaient de même, s'échappant doucement de ses canaux lacrymaux afin de s'installer au bord des yeux. Il avait l'air d'avoir très mal en repensant à sa mère, mais pourquoi? Johana se demanda qui il pouvait bien être, et pourquoi il était venu la voir.
« J'étais professeur à l'université, j'enseignais le Japonais.. Et Laura était mon élève. J'avais rien vu venir, au fil du temps, nous nous sommes rapprochés.. Avant de finalement sortir ensemble. Elle était mon rayon de soleil, elle suffisait à égayer ma journée. Nous sommes restés trois ans ensembles, cachant notre relations aux yeux de tous. Mais ça s'est su, et j'ai était renvoyé. A partir de cet instant, Laura ne m'a plus jamais parlé, elle n'acceptait pas que je vienne la voir. »
Pourquoi maman aurait fait çà? Ce n'est pourtant pas son genre. Elle réfléchit, il avait dit dix-neuf ans? C'était son âge. Se pourrait-il que cet homme soit son père? Mais sa mère lui avait affirmé qu'il était mort. Pourquoi lui mentir au lieu de lui avouer qui il était?
« Je suis retourné au Japon, j'ai essayé de recommencer ma vie, même si j'espérais sérieusement qu'elle me recontacterait. Et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles jusqu'à aujourd'hui. Johana... Je suis Minegishi Hiro, et... apparemment, je serais ton père. »
Elle n'en croyait pas ses oreilles, il pleurait, il avait mal et ça se voyait. Elle voulait faire de même et laisser tout sortir, même si elle avait un peu de mal, après tout ils ne se connaissaient pas. Il était venu pour s'occuper d'elle, pour être le père qu'elle avait toujours voulu. En le regardant, elle expliquait cette familiarité qu'il avait, elle expliquait pourquoi elle avait des yeux bridés et chocolats alors que sa mère les avait verts. Seul leurs couleurs de cheveux étaient différentes, elle avait hérité du blond cuivré de sa mère, tandis que lui avait les cheveux noirs. Elle n'était plus seule désormais, elle avait quelqu'un sur qui se reposer, et elle en fut soulagée.